Bonjour à tous !
Je suis remonté en direction du Nord, à 90 km de la précédente étape de Chillán. Je me trouve à Cauquenes, dans la région VII, appelée la région du Maule.
Cette ville de 30 000 habitants a subi de plein fouet le tremblement de terre du 27 février dernier, mettant un frein aux principales activités de la région : petite agriculture, viticulture et sylviculture.
Sur place, j’ai été chaleureusement accueilli par Louis-Antoine et Dorothée Luyt.
Louis-Antoine est un Français qui vit depuis 12 ans au Chili. Il est vigneron et n’a pas hésité à me partager sa passion pour le vin, pour le bon vin ! Merci à lui pour cette découverte et un grand merci à Dorothée pour m’avoir fait découvrir les alentours de la ville.
Leur maison a été détruite par le tremblement de terre. Ils logent provisoirement dans une petite maison en bois en attendant la reconstruction de leur domicile. De ce fait, un des amis de la famille, Carlos Nilo, m’a hébergé dans sa maison. Merci à la solidarité chilienne, qui, même dans des conditions difficiles, se débrouille toujours pour bien vous accueillir.
Lorsque la terre a tremblé
Le 27 février 2010, à 3h 30 du matin, un tremblement de terre a surpris soudainement les habitants.
Avec une magnitude de 8,8 sur l’échelle de Richter et un épicentre situé à seulement 50 kilomètres, la ville fût détruite à 70% ! Un tsunami inonda les côtes chiliennes de la septième région. Le dernier bilan du séisme a fait état de 550 morts. Le nombre de sinistrés potentiels a été estimé à environ 2 millions de personnes et les dégâts ont été évalués à 30 milliards de dollars. Les sismologues ont estimé que le séisme a été assez puissant pour décaler l'axe de rotation de la Terre de 8 centimètres ! Du coup, la durée d’un jour est désormais plus courte de 1,26 microseconde.
Voici des photos prises par Dorothée le 27 février.
Beaucoup de constructions n’ont pas résisté.
Dix mois après, les cicatrices du séisme sont toujours visibles. Les petites toitures blanches sont, pour la plupart, des maisons de fortune. On les appelle des « media agua ». Elles offrent un confort sommaire aux habitants en attendant la reconstruction de leur maison.
Photo prise à la verticale de la place de Cauquenes.
Au Chili, très peu de propriétaires assurent leurs biens immobiliers. Ainsi, faute de financement, la reconstruction des domiciles est parfois longue.
Un témoin impressionnant du « terremoto » comme on l’appelle au Chili est sans doute celui-ci…
…car lorsqu’on s’en approche, la structure de l’édifice fait vraiment peur :
D’autres constructions témoignent encore de la violence de la principale secousse. Une soixantaine de répliques a été ressentie dans la journée.
Ici, se trouvait un magasin Bata :
Suite au tremblement de terre et sous l’impulsion de Français vivant à Cauquenes, une association fut créée : France-Cauquenes .Elle mène plusieurs actions pour venir en aide aux habitants en finançant par exemple la reconstruction d’établissements scolaires et de santé. Vous accéderez ici au site internet de l’association.
L’activité locale
Après cet épisode qui a gravement affecté l’économie des zones touchées, Cauquenes se remet petit à petit et retrouve son dynamisme. Le marché, se tenant le mercredi et le samedi est un des plus animés que j’ai eu l’occasion de voir jusqu’à présent. Les œufs, à droite de la pancarte, permettent de se rendre compte de la taille des fraises ! En plus d’être grosses, elles sont délicieuses !
Les odeurs et les couleurs donnent très envie. Ici, les « cinq fruits et légumes par jour » sont largement possibles de par la quantité et les tarifs exercés.
Ce sont surtout des petits producteurs du « campo », c'est-à-dire de la campagne, qui viennent vendre leur récolte.
Concernant les cultures, il y a très peu de mécanisation. Durant le vol, je n’ai observé qu’une parcelle fauchée qui venait d’être andainée par une machine. Lors des travaux, les arbres parsemant la parcelle occasionnent une contrainte supplémentaire pour l’agriculteur. Cependant, ils sont bénéfiques à la biodiversité.
Voici la situation la plus fréquemment rencontrée. C’est une parcelle de céréales fauchée manuellement ! Les tas blancs sont des fagots. Par contre, l’absence de « ronds » au sol indique que le grain n’a pas encore été battu. Sous un air ambiant à 38 °C, ce travail n’est pas des plus reposants.
Pour offrir de la pâture aux troupeaux, la sécheresse oblige aussi l’irrigation, bien visible ici avec le reflet de la lumière.
Le contraste entre sols cultivés ou abandonnés, entre terres irriguées ou non, confère au paysage cet effet bariolé.
Le vol
Je suis à Cauquenes pour quatre jours. Je regarde la météo de la région et la journée la plus propice est…celle d’aujourd’hui ! Ni une ni deux, une fois le montage du paramoteur terminé, je décolle du terrain de foot à 15h :
J’évolue en « spiralant » dans des courants d’air chaud ascendants pour prendre de l’altitude le plus rapidement possible :
Dans ces conditions, je monte à la vitesse d’environ 4 mètres par seconde et me rapproche des nuages :
L’ascension se poursuit et la base des nuages approche. On l’appelle le plafond et on comprend pourquoi. On a l’impression qu’on va se taper la tête contre :
En France, pour des raisons de visibilité, il est interdit pour un paramotoriste de voler à l’intérieur d’un nuage. Même dans le ciel chilien, je préfère passer entre les nuages :
Ces monstres de vapeur d’eau sont impressionnants :
Me voilà à la cime des nuages. Dans le ciel, il existe trois couches de nuages : ceux de l’étage inférieur (jusqu’à 2 000 mètres), de l’étage moyen (de 2 000 à 6 000 mètres) et de l’étage supérieur (jusqu’à 13 000 mètres). Ici, ce sont des cumulus de l’étage inférieur et des altocumulus de l’étage moyen :
J’arrive à l’altitude de 2 500 mètres…et il commence à faire froid. Sous les nuages, se trouve la cordillère de la côte. Cette chaîne de montagnes constitue une barrière naturelle au passage des nuages. Le phénomène se voit clairement ici. A l’horizon, on aperçoit l’océan Pacifique situé à 30 kilomètres à vol d’oiseau.
Après un vol de 2h30, j’atterris dans un parc à vaches, en périphérie de Cauquenes. Des enfants du campo viennent à ma rencontre. Quel plaisir de leur montrer les photos aériennes : ils ont les yeux qui brillent. Même le plus jeune d’entre eux voudra porter le paramoteur sur son dos.
Voici une vidéo réalisée pendant le vol :
Un vigneron différent des autres
A Cauquenes, il y a approximativement 1 000 vignerons. Un tiers d’entre eux fait partie de la Cooperativa Agrícola Vitivinícola de Cauquenes. Cette structure fut fondée en 1939 suite au tremblement de terre qui détruisit la majorité des vignobles de la région. La coopérative regroupe des propriétaires ayant des surfaces de vignobles allant de 2 hectares jusqu’à 500 hectares. Cependant, chaque membre détient le même pouvoir politique, quelle que soit la taille de son exploitation. La coopérative, qui produit des vins qu’on pourrait qualifier « d’industriels », est aujourd’hui en péril économique. Son manque de moyens l’empêchant d’innover ne lui permet pas de se placer idéalement sur un marché déjà bien pourvu. En somme, elle produit des vins peu compétitifs. Avec une capacité de 22 millions de litres, la coopérative n’en vinifie que 6 millions. Sachant que le minimum viable est de 8 millions de litres, elle se trouve dans l’obligation d’acheter du raisin à l’extérieur. La coopérative de Cauquenes n’est pas un cas isolé au Chili et en règle générale, les coopératives viticoles du pays vont mal.
Fort de ce constat, Louis-Antoine a décidé de produire du vin autrement. Ses méthodes de production sont respectueuses de l’environnement. L’objectif est que la différence entre son vin et les autres soit perceptible par le consommateur. Ce dernier doit y retrouver le terroir de Cauquenes !
Selon Louis-Antoine, les vignobles de ce terroir, bercés par un climat exceptionnel, n’ont pas besoin des moyens de protections chimiques et hydriques qu’utilise la plupart des vignerons.
Le climat de la région de Cauquenes est méditerranéen, « c’est le Languedoc » me dit Louis-Antoine. A quelques kilomètres de là, de l’autre côté de la cordillère de la côte et avec l’influence maritime, le climat est plus humide. Cauquenes bénéficie donc de conditions climatiques sèches et chaudes en été, humides en hiver, idéales à la valorisation de la production de Louis Antoine. En effet, avec de telles conditions météo et un écosystème diversifié, peu de maladies de la vigne se développent. Louis-Antoine n’applique donc pas de produit chimique (production biologique non certifiée) et pratique l’irrigation sur quelques parcelles seulement en cas de très grosses chaleurs qui risqueraient d’endommager la vigne.
Louis-Antoine n’est pas propriétaire de vignobles. Il loue d’une part quatre parcelles et achète d’autre part le raisin à de petits vignerons ayant des pratiques techniques conformes à ses attentes. Concernant la vinification, Louis-Antoine loue des caves appartenant à l’INIA. Vous trouverez une description de cet organisme sur l'article précédent.
Après le pressage, le jus du raisin est stocké dans des cuves en béton d’une capacité de 12 000 litres ou dans de petites cuves en inox.
La fermentation se poursuit dans des fûts en chêne en fin de vie. La cave de l’INIA n’est pas isolée et avec des amplitudes de température parfois importantes entre l’hiver (5°C) et l’été (35°C), le suivi de la fermentation du vin demande beaucoup d’attention. Lors de fortes chaleurs, les fûts sont arrosés pour diminuer la température du précieux nectar et pour maintenir une certaine humidité.
Baptiste, un ami vigneron de Louis-Antoine est en train de goûter et noter des échantillons de différents tonneaux afin de s’assurer de leur bonne évolution pour, si nécessaire, « travailler » le vin en modifiant ses conditions de stockage. Cet exercice permet aussi d’imaginer à quoi ressemblera l’ « assemblage ». Cette étape de finalisation consiste à mélanger plusieurs cuvées pour composer un vin.
En termes de volume, Louis-Antoine a stocké 85 000 litres en 2009 et 50 000 litres en 2010. Cette diminution s’explique par le tremblement de terre qui a détruit une grosse partie de sa production et a largement pénalisé la rentabilité de son activité.
Voici dans quel état se trouvait la cave au lendemain du tremblement de terre.
A l’heure actuelle, Louis-Antoine vend un petit volume au Chili. Les événements passés l'ont empêché d'exporter en 2010. Mais le potentiel de son vin lui permet d’envisager une reprise de l'export au Brésil, en Europe et au Japon. Il veut se développer davantage afin de sécuriser sa production.
La suite arrive très prochainement...