Trois types d’exploitation agricole
A) Cas d’une petite exploitation familiale
Sur la photo, il y a deux exploitations. La plus importante des deux (rectangle central) est la propriété d’un père et de son fils : Juan et Rodrigo Cortes, 72 et 29 ans.
Sur un hectare et demi, ils cultivent principalement 110 avocatiers (rangées d’arbres en diagonales), de la luzerne (rectangle vert), du blé (en jaune). Les autres terres sont destinées à un peu de maraîchage. Ils élèvent aussi une trentaine de moutons, autant de chèvres ainsi que sept cochons.
Leurs conditions de vie sont difficiles. Il n’y a aucune mécanisation.
Exemple de préparation d’un sol à l’aide de la traction animale. Il s’agit d’une autre exploitation que celle de Juan et Rodrigo. La pénibilité du travail semble tout aussi pesante.
Dans la province du Limarí, les petites productions familiales ont une taille de l’ordre de la dizaine d’hectares. Elles ne suffisent généralement pas à faire vivre une famille. C’est pourquoi les membres en âge de travailler ont souvent une activité complémentaire : emploi sur les grandes propriétés voisines, participation à la petite extraction minière locale, transformation artisanale ou diversification. Par exemple, certains petits éleveurs se diversifient en vendant directement le lait en ville, aux portes des maisons.
Lorsque j’ai demandé à Rodrigo quelle était pour lui la principale difficulté, il m’a dit qu’il n’avait plus de travail en ville pour compléter son revenu.
Bien que les petites exploitations transcendent avec les grosses, elles entretiennent des rapports étroits de part le travail temporaire au sein de ces dernières.
B) Cas d’une grande exploitation capitalisée
C’est cette agriculture qui donne au Limarí son image agricole et ses paysages spectaculaires : l’homogénéité des espaces plantés régulièrement contraste avec l’aridité environnante.
J’ai pu visiter cette grosse exploitation : Rio Blanco. C’est une société exportatrice, la plus grande du Chili. Elle est présente dans toutes les régions agricoles du pays. Récemment, elle s’est installée au Mexique et vise aussi le Pérou. Elle a une double activité : la production de fruits et d’avocats et leur exportation.
Avec pas moins de 200 salariés, elle exploite deux sites : un de 250 hectares…
…et un autre de 186 hectares recouvert principalement de vigne.
Le même site vu sous un autre angle :
Si dessous, on remarque l’immense bassin de rétention (comparé au hangar se situant à sa gauche) alimenté par le canal Recoleta. Un autre bassin se trouve dans la partie basse de la pente. Il domine un autre canal plus petit (matérialisé par les arbres au pied de la bute). Les trois zones rectangulaires blanches en haut à droite de la parcelle brune sont probablement les marques laissées par des tas de chaux (Cf. Un concentré de diversité - partie 2).
Sur le premier site, elle cultive :
· 90 ha d’avocatiers ; récolte en août - septembre
· 80 ha d’orangers / mandariniers ; récolte en juin - juillet
· 50 ha de grenadiers ; récolte en mai
Elle dispose d’un réseau d’irrigation très performant : bassins de réserve et système de goutte à goutte.
Rio Blanco nécessite trois actions d’eau pour irriguer un hectare ! Selon la période, une action représente un volume compris entre 1 200 et 3 500 m3.
Les lignes blanches sont de hauts filets de protection en nylon qui sont utilisés comme coupe-vent. Ils permettent de réduire l’action du vent et donc, l’évapotranspiration des plantes.
Juan Mejias est le responsable du site. Il m’a expliqué que toute la production était vendue avant la récolte. Rio Blanco exporte d’abord en Amérique du Nord, dans l’Union Européenne, puis en Chine. Le prix de vente varie selon la demande, mais s’établit en général à 1$ / kg d’avocats et à 0,40$ / kg d’oranges. La société commercialise aussi la récolte de voisins producteurs, plus petits et moins qualifiés dans cette partie de la filière.
On devine que la spéculation tient une place importante dans les activités de Rio Blanco. Voici un aperçu des bureaux de l’entreprise.
Elle dispose d’un hangar de stockage dont le volume laisse imaginer l’importance de la production. Au fond à gauche, ce sont les caisses pour entreposer la récolte. A droite se trouvent des produits phytosanitaires appliqués avec les deux pulvérisateurs jaunes de gauche.
L’entreprise dispose aussi d’un réfectoire…
…et d’un espace « bien-être » qui font davantage penser aux locaux d’une entreprise du secteur secondaire ou de service qu’à ceux d’une exploitation agricole.
L’état chilien a joué un rôle important dans la réussite d’entreprises telle que Rio Blanco. En appliquant un paquet technologique d’hygiène et sécurité, en s’engageant dans des méthodes culturales respectueuses de l’environnement, ces exploitations se sont adaptées à la demande des consommateurs étrangers, exigeant des produits de qualité. Etant sources de dynamisme économique, l’état a largement soutenu les entreprises de production et d’exportation de produits agricoles.
Rio Blanco se distingue des autres exploitations par l’échelle de ses activités, par le niveau de technologie pratiqué et par sa capacité d’investissement. Ce sont des entreprises de ce type qui, au sens littéral, ouvrent de nouveaux espaces à l’agriculture en les défrichant et en y amenant l’eau nécessaire.
C) Une production d’olive à grande échelle
Agronoble est une grande entreprise productrice d’olives qui commercialise de l’huile. Ses capitaux sont essentiellement espagnols. Une fois de plus, la présence de cette entreprise au Chili témoigne des conditions idéales qui règnent dans la province du Limarí. La société s’est implantée en 1999 dans le cadre d’un plan d’expansion.
Sa croissance en Espagne a été freinée par le coût élevé de la terre. Elle a donc exploré des possibilités en Uruguay, en Argentine, aux Etats-Unis et au Chili. Les deux premiers pays furent écartés à cause de leur situation sociale, économique et politique. Aux Etats-Unis, elle trouva de la terre mais le prix de la main d’œuvre était trop élevé. Finalement, elle décida de s’installer au Chili, à proximité d’Ovalle où les conditions étaient réunies pour le développement de ses activités : climat favorable, faible prix de la terre (235€ / ha à l’époque) et beaucoup de main d’œuvre à faible niveau de salaire. Car l’olive est une culture nécessitant d’importants moyens humains : 150 saisonniers et 30 salariés maintenus toute l’année travaillent pour Agronoble. Elle profita aussi, comme expliqué dans la partie précédente, des programmes d’encouragement à l’investissement développé par l’état chilien.
Ces oliviers ont été plantés en 2000. Ils occupent une surface de 600 hectares (Cf. numéro 5 sur le schéma du Système Paloma) sur les 21 370 hectares que compte la société !!! Cela permet de faire fonctionner rentablement l’usine d’extraction d’huile.
L’entreprise est en croissance. Elle vient de planter 100 hectares de jeunes oliviers (au premier plan) :
Pour l’olivier, il faut en moyenne une action d’eau pour irriguer un hectare. La société a acheté l’action d’eau entre 2 et 2,5 millions de pesos (entre 3 000 et 3 800 d’euros). Elle dispose de 150 actions d’eau dans le lac Recoleta et de 3 forages.
L’irrigation se fait grâce au canal Recoleta, doublé en certains endroits.
Le succès d’Agronoble peut donc s’expliquer par une double valeur ajoutée. La production n’est pas seulement l’olive, mais surtout l’huile, un produit transformé. C’est une différence importante entre cette société et les autres ayant des ressources financières comparables.
Avec un vent qui a vite forci, les turbulences commençaient à se faire sentir. J’ai dû me résoudre à atterrir dans un endroit plutôt original :
L’avantage, c’est que j’avais de la place pour atterrir ^^. Le second avantage, c’est que j’ai pu voir un avion pulvérisateur de produits phytosanitaires. Il appartient à une entreprise spécialisée dans ce domaine.
Conclusion :
Le Chili est présent sur le marché agro-alimentaire mondial où il jouit d’une bonne réputation. Il exporte en effet des denrées agricoles correspondant aux attentes des consommateurs étrangers, à des périodes idéales. La province du Limarí constitue un symbole de cette agriculture grâce à des conditions d’exploitation très favorables : climat, situation, coût de la main d’œuvre. Le succès de cette région est aussi permis par l’ingénieux système d’approvisionnement en eau de La Paloma qui résiste tant bien que mal à la sécheresse persistante.
En terme de surface, on rencontre des exploitations gigantesques où l’agriculture y est très artificialisée même s’il existe une agriculture traditionnelle, petite et moyenne, qui parvient à tirer son épingle du jeu. A contrario, de très petites exploitations non irriguées rencontrent des difficultés.
La réussite de la région soulève un autre problème : le prix de la terre s’envole, la réservant ainsi aux grosses entreprises possédant d’importants capitaux.
Le Limarí est donc un espace de contrastes : des espaces irrigués et non irrigués, une agriculture moderne et une agriculture traditionnelle.
A bientôt !
Quelques textures observées pendant le vol :