Une production agricole variée
C’est la première fois depuis que je suis au Chili que je vois autant d’agriculture. Les espaces cultivés représentent 90% de la superficie de la province ! La production agricole y est diversifiée.
La viticulture s’est développée grâce au climat exceptionnel et aux terres qui chauffent facilement. Le raisin trouve ici deux débouchés : l’exportation en fruits de bouche/jus et le Pisco. Le Pisco est au Chili ce que la Mirabelle est à la Lorraine. Cette eau de vie de raisin est très appréciée. Elle titre à 40° et se boit généralement mélangée à du jus de fruits, en particulier à du citron. Les variétés utilisées pour la production du Pisco sont : Italia, Rosada Pastilla, Alejawdria, Torontel, Moscatel. Les exportations en fruit de bouche ou en jus se font d’abord vers les USA puis vers l’Europe. On trouve la variété Black, Flame, Thomson Seedless, Rivier, Red Globe.
Raul Avaros est viticulteur sur une petite exploitation de 1 500 pieds de Moscatel et Rosada d’1,2 ha. Sa vigne, âgée de 40 ans, ne produit que 30 tonnes de raisin. Il a pour projet d’en planter une nouvelle, plus productive pour espérer atteindre 80 tonnes ! Il emploie temporairement quatre salariés pour l’entretien, la récolte et les travaux d’irrigation.
L’apport en eau se fait par gravité : il faut ouvrir et boucher successivement les rigoles avec une pelle. Pour ce faire, il a acheté 10 actions d’eau. Une telle action représente un volume de 2 200 m3 qu’il a payé à un prix variant de 3 à 5 millions de pesos (4 500 à 7 600 euros). Ce qui revient à dépenser entre 2 et 3,5 euros par m3 ! Selon le propriétaire, le prix de l’eau en saison sèche est difficile à supporter. Un autre problème qu’il a évoqué est l’apparition de résistances des agents pathogènes aux produits phytosanitaires. Ceci l’oblige entre autres choses, à changer régulièrement la matière active des produits.
Voici une autre propriété fructicole produisant du jus de raisin à Algarrobo (commune d’Ovalle), à proximité du barrage de Recoleta. (Cf. numéro 3 sur le schéma du Système Paloma). En haut à droite se trouve l’usine de pressage et la maison du propriétaire. Au centre, on aperçoit un bassin de réserve d’eau pour sécuriser l’irrigation. Cette eau provient du canal « Alimentador Recoleta » qui relie le barrage de Recoleta à celui de La Paloma. En bas de la photo, se trouve le lit asséché du Rio Hurtado qui, en amont, alimente le barrage.
Vue d’une autre organisation de parcelles de vigne. On repère 4 axes différents régissant l’alignement des ceps de vigne. Cette disposition optimise l’irrigation en l’adaptant aux modifications de l’orientation et du dénivelé du relief.
La plupart des exploitations agricoles de la région clôture et identifie chacune de ses parcelles.
Concernant le maraîchage, la culture d’avocats est très importante (développée dans la partie suivante). Il y a aussi beaucoup de cultures sous serres. Claudio Raules et son frère sont producteurs de tomates et de haricots verts.
Ils irriguent aussi par gravité. Cependant, ils n’utilisent pas l’eau du Système Paloma, mais ont préféré forer un puits de six mètres qu’ils recreusent régulièrement pour pallier la baisse constante du niveau d’eau.
On trouve aussi de l’Ají. Sous ces serres, ce ne sont pas moins de 4 000 plants de ce piment qui sont cultivés avec un réseau de rigoles perpendiculaires à la pente pour éviter la perte de terre.
Voici une production de concombres (pepinos) à grande échelle. Il y a douze serres irriguées avec un dispositif de goutte à goutte.
Ce système est plus économique en eau mais demande un investissement supérieur à celui de l’irrigation par gravité.
Les enfants de l’exploitant, fiers de leur tracteur.
La région d’Ovalle est aussi exportatrice de salades, de myrtilles et de fleurs.
On trouve en moindre mesure, dans des zones non couvertes par le Système Paloma, quelques parcelles de céréales comme le blé. Mais cette culture a tendance à disparaitre au profit de productions plus rentables.
Cette parcelle en pente se situe juste au dessus du canal « Alimentador Recoleta ». L’agriculteur m’a expliqué qu’il n’avait pas assez de moyens pour investir dans un dispositif de pompage lui permettant d’irriguer et donc, d’y implanter une culture plus rémunératrice.
Concernant les arbres fruitiers, on trouve des orangers, mandariniers, pêchers et figuiers. Ces derniers permettent deux récoltes par an de deux fruits d’apparence différente appelés « Higo » et « Breva ». On trouve aussi un fruit typique de la zone : le Nuspero.
C’est un fruit jaune et très sucré que j’ai eu la chance de déguster chez Ernesto Araya, arboriculteur à Huatulame, à proximité du lac Cogotí.
La production d’Ernesto et d’autres petits maraîchers est achetée par des grossistes locaux comme Roberto Zepada qui s’est spécialisé dans la tomate (caisses de 20 kg) et dans le concombre (caisses de 30 kg). Il les négocie ensuite sur une plate-forme d’exportation à Ovalle.
La province du Limarí possède aussi des petits élevages bovins, ovins et caprins.
Les éleveurs ont besoin de vastes superficies pour faire pâturer dans un milieu naturellement peu productif. Les zones les plus favorables se trouvent en fond de vallée. Sur la photo ci-dessous, le canal « Derivado Recoleta » permet d’irriguer les pâtures en contrebas. (Cf. numéro 4 sur le schéma du Système Paloma)
Dans la parcelle se situant sous la zone centrale brune, on remarque une forme claire à l’intérieur d’une zone verte plus foncée. Il s’agit d’une prairie pâturée où l’éleveur a opté pour un « pâturage rationné », aussi appelé « pâturage au fil ». Il est très économique car, en avançant progressivement tous les jours un fil dans l’herbe fraîche, les pertes par piétinement n’existent pas. Pour bien comprendre, il faut se représenter la célèbre image de la vache : « la barre de coupe à l’avant et l’épandeur à fumier à l’arrière ».
Comme les éleveurs ne sont pas toujours propriétaires, ils adoptent plusieurs solutions :
· la location des pâtures auprès des grands propriétaires qui ne les exploitent plus
· la production de fourrage complémentaire (foin, luzerne)
Le fromage de chèvre est beaucoup consommé ici.
Une partie de la clôture est faite en cactus.
L’apiculture est bien développée dans la région. Les abeilles présentent deux intérêts : la production de miel et la pollinisation des grands vergers. Selon Rinaldo Castillo, apiculteur, cette dernière activité est la plus rentable.
Pour effectuer la pollinisation d’une parcelle d’avocatiers, il dispose régulièrement des ruches le long des allées et les laisse deux mois. A l’issue de cette période, le nombre d’abeilles aura doublé…voilà pourquoi, en plus du prix de la prestation, les apiculteurs préfèrent la pollinisation à la seule production de miel.
Delia, la compagne de l’apiculteur est en train de couper un rameau sur lequel se trouve un essaim d’abeilles pour le mettre en ruche.
Autrefois, Rinaldo produisait du miel à raison de 20 kg / ruche. Depuis 15 ans, il a constaté une mortalité croissante des abeilles qu’il ne sait pas à quoi attribuer : pesticides ? Maladies ? Toujours est-il que pour éviter l’augmentation du taux de mortalité et continuer la production de miel, il nourrissait les abeilles avec du fructose liquide pour éviter qu’elles n’aillent butiner ailleurs.
Les mines ne sont jamais très loin
La région est parsemée de petites mines familiales de cuivre (pequeña minería). La cohabitation entre activités minières et agricoles caractérise la région du Limarí depuis plusieurs siècles.
Il y a aussi quelques mines de taille moyenne comme celle de cuivre d’Ovalle.
Le graphe représentant le PIB par secteur d’activité montre qu’avec une importance de 21%, les mines sont un secteur économiquement important. Le plus impressionnant est de voir ces activités minières côtoyer les activités agricoles…souvent de très près. Ceci laisse à penser que le risque de transfert de polluants dans les fruits/légumes ne doit pas être négligeable.
Au Chili, l’étude des conséquences de la cohabitation entre la mine et l’agriculture est relativement récente. Les risques de pollution des cours d’eau superficiels et des nappes souterraines ont jusqu’à présent peu fait l’objet de recherches scientifiques.
La suite et fin de l'article arrive bientôt...