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17 novembre 2010 3 17 /11 /novembre /2010 16:01

Bonjour à toutes et à tous !

 

     Je suis dans la vallée du Limarí, une zone agricole à 70 km au Sud-est du précédent village de Tongoy. J’ai pu voler et rencontrer des producteurs locaux.

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     Ceci a été possible grâce à la gentillesse de Nelly et David Bitran (le pilote de Tongoy) qui m’ont proposé de me conduire dans la vallée et de m’en montrer les lieux remarquables. Encore merci à toute la famille et à Delia Muñoz qui en plus de m’avoir longuement partagé sa vision de l’histoire chilienne, m’a hébergé quatre jours dans le village de  Barranca.

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La Province du Limarí

     Cette vallée appartient à la région IV. Elle abrite le plus vaste espace agricole de l’ensemble du « Norte Chico ». Ce « Petit Nord » constitue une région de transition entre l’aridité du Nord et la douceur du centre du Chili.

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     Depuis la fin des années 1920, la construction d’ouvrages de stockage d’eau a permis le développement de l’agriculture. Sur les 13 553 km² que couvre la province du Limarí, on rencontre une agriculture moderne, capitalisée permettant d’importants volumes de production (à gauche et à droite de la photo) et une petite agriculture, moins intensive (au centre).

P1120223     Le quadrillage de la zone centrale permet la distribution de l’eau en rigoles, il délimite des « champs » dont plusieurs peuvent appartenir au même propriétaire. On distingue également des bosquets d’arbres. Ce sont des eucalyptus dont le bois sert à faire des piquets pour les vignes. Les zones sèches de broussailles sont broutées par des moutons ou des chèvres.


PIB.jpgD’après H. Reyes *

     Dans la province, le secteur minier reste le secteur économique le plus important. En vol, j’ai pu observer de nombreuses mines de taille moyenne à petite qui parsemaient le paysage. Avec une contribution à hauteur de 10% dans le Produit Intérieur Brut (PIB) de la province, l’agriculture est le 6° secteur économique régional. Mais, c’est principalement ce secteur qui génère le dynamisme d’autres domaines d’activités comme par exemple les activités de BTP, de transport, les activités bancaires et surtout, l’industrie de transformation.

     L’agriculture est le secteur économique qui emploie le plus de main d’œuvre dans la région avec plus d’un quart des postes de travail.

     Le Limarí se caractérise aussi par l’importance de sa ruralité. La proportion que représente la population rurale (38 %) la situe en onzième place sur les 51 provinces du Chili. Ovalle est la grande ville de la région : 100 000 personnes y habitent.  

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     Le rural y côtoie l’urbain, en atteste la présence de cette propriété agricole à l’intérieur des limites cadastrales d’Ovalle.

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      La province du Limarí est dominée par un climat méditerranéen semi-aride. Il  résulte de l’interaction de trois facteurs : les hautes pressions de l’anticyclone du Pacifique sud-oriental, la présence du courant froid de Humboldt dans l’océan Pacifique et le relief longitudinal de la Cordillère de la Côte et de la Cordillère des Andes qui rendent difficiles le déplacement des masses d’air.

     Concernant les précipitations, elles sont très irrégulières et le déficit hydrique est quasi-permanent. Les précipitations moyennes annuelles de la province varient entre 100 et 200 mm, provoquant des épisodes de sécheresse. Un responsable d’un barrage m’a expliqué que depuis 10 ans, le niveau d’eau que permet de retenir l’infrastructure ne cesse de diminuer.

DSC02443     C’est la fonte des neiges tombant sur la Cordillère des Andes qui constitue la principale réserve d’eau pour l’irrigation et la consommation humaine. La fonte des neiges se produit pendant le printemps (octobre à décembre). Elle est fondamentale pour l’agriculture irriguée car elle permet de décaler les effets des précipitations, ce qui permet d’avoir de l’eau disponible pour l’irrigation jusqu'au moment où la demande hydrique des cultures est la plus élevée. Les températures sont idéales pour la production maraîchère. La moyenne annuelle est de 17°C. Concernant le relief, le territoire du Limarí présente des surfaces planes…

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… et des pentes très accentuées.

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     Cette caractéristique a permis de construire un important réseau de canaux d’irrigation alimentés par gravité. Aussi, les pentes ne semblent pas constituer un obstacle pour l’agriculture intensive car même si elles ne permettent pas une mécanisation lourde, les machines sont en partie remplacées par une main d’œuvre abondante et bon marché.

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     Les zones que j’ai survolées se trouvent au Nord-est d’Ovalle. Il s’agit de plaines alluvionnaires surélevées et de terrasses fluviales qui s’étendent le long du fleuve Limarí et de ses affluents comme le Rio Hurtado ci-dessous.

P1120198      Ces sols ont de bonnes aptitudes à la culture maraîchère. Leur potentiel est valorisé par l’irrigation permise par un ingénieux système.

 

Le Système Paloma

     Deux particularités caractérisent ce système de distribution de l’eau dans le bassin du Limarí. Il y a un aspect technique avec des barrages, des canaux, et un aspect social régissant le partage de la ressource hydrique : associations d’irrigants et rapports entre la terre cultivée et l’eau.

P1120231     En terme d’infrastructure, le Système Paloma est composé de trois barrages (La Paloma, Recoleta et Cogotí) étagés sur des cours d’eau différents qui ensemble permettent de stocker un milliard de mètres cubes d’eau ! Ils sont reliés entre eux par un réseau de plusieurs dizaines de kilomètres de canaux.

P1120460     Aperçu d’un canal qui serpente dans la vallée pour alimenter une vaste plantation d’avocatiers. Au centre, se trouvent les bâtiments d’exploitation et la maison du propriétaire apparemment fortuné puisque qu’au sol se trouve une marque destinée à l’atterrissage d’un hélicoptère ! Il faut zoomer ^^.

 

P1120197     Un autre canal qui, après son passage dans une vigne, devient sous-terrain (Cf. numéro 1 sur le schéma ci-dessous) en passant sous le lit du rio Grande. L’alignement des arbres transversalement au lit du rio permet de détecter ce canal sous-terrain.

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     Le dispositif fut conçu dès les années 1930 et terminé en 1980. Son objectif est d’améliorer et sécuriser l’irrigation d’une superficie de plus de 56 000 hectares. Cet ingénieux système permet de :

·         coordonner le stockage de l’eau dans les trois barrages et sa distribution au moyen des canaux interconnectés

·         calculer chaque jour les quantités d’eau réellement disponibles en fonction des données climatiques et hydriques et des consommations des agriculteurs irrigants

 

DSC02437     J’ai pu rencontrer le responsable du barrage du lac « La Paloma ». L’édifice est impressionnant : des fondations de 50 mètres et un mur de 92 mètres permettent une capacité maximale de retenue de 780 millions de m3 d’eau. Ce volume fut atteint 10 ans auparavant, mais a diminué à cause de la sécheresse.

DSC02454     En ce moment, seulement 200 millions de m3 sont disponibles. Le débit à la sortie du barrage est de 1,5 m3/ seconde. Il y a dix ans, l’eau recouvrait la zone verte ci-dessus et s’enfonçait jusqu’au fond de la vallée. A l’heure actuelle, cette zone ne peut être exploitée légalement car elle est déclarée inondable.

     J’ai dû renoncer à survoler ce barrage à cause de conditions turbulentes. J’ai pu photographier le barrage du lac Recoleta qui alimente principalement les réseaux d’irrigation du Nord d’Ovalle. Il permet de stocker 100 millions de m3 d’eau.

P1120246Chose surprenante : il y a des habitations au pied du barrage.

P1120260     Le même endroit vu sous un autre angle. Au premier plan, on voit des habitations, quelques cultures et le cours d’eau asséché. Sur la pente de la montagne, se trouve le canal « Alimentador Recoleta » qui relie le lac de la Paloma à celui de Recoleta.

     Les enjeux de ce système sont multiples. Il ne s’agit pas seulement de transporter, de distribuer et de partager une ressource peu abondante, mais aussi de partager le droit de la prélever, de répartir les coûts et les risques (aspect social).

P1120257Le risque de sécheresse n’épargne pas non plus le lac Recoleta.  

     Comme l’objectif du Système Paloma était d’assurer la sécurité de l’irrigation pour la production agricole, il a intégré les droits d’accès à l’eau des agriculteurs. Comme je l’avais évoqué dans l’article « De l’eau et des couleurs », au Chili, la ressource hydrique est attribuée selon des droits en eau. L’unité de base du partage de l’eau s’appelle « action d’eau ». Celui qui veut irriguer doit disposer des actions d’eaunécessaires. La propriété de la terre (à irriguer) et la propriété des actions d’eau (pour l’irriguer) sont dissociées. Ceci a engendré deux marchés séparés : celui de la terre et celui de l’eau. Cependant, l’action d’irriguer reste forcément liée à l’action de cultiver.

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     Le Système Paloma est considéré comme une grande réussite de l’agriculture chilienne. Son fonctionnement est à la fois compliqué, efficace et fragile de par sa dépendance à la fonte des neiges. C’est une source majeure de la richesse du Limarí. Il remplit une fonction essentielle du développement rural : permettre l’extension des zones à haute productivité agricole et donc, de manière directe et indirecte, favoriser l’emploi dans tous les secteurs de l’économie du Limarí. Cependant, certaines zones ne sont pas desservies par le système : si l’exploitant dispose de moyens financiers suffisants pour pomper l’eau qui se trouve en aval de la parcelle, l’exploitation des terres est possible, comme le montre la photo ci-dessous.

P1120310     Par simple gravité, le canal Recoleta approvisionne les deux bassins. L’eau est ensuite pompée pour irriguer les cultures en amont. (Cf. numéro 2 sur le schéma du Système Paloma

 

La suite de l'article sera publiée très prochainement.



* Héctor REYES, janvier 2009 ; "La tierra se mueve : les transformations de la propriété agricole dans une zone aride, la province du Limarí", Université d'Orléans

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commentaires

V
<br /> Le Chili n'a pas de quoi rougir quant à l'utilisation de techniques agricoles pour améliorer son rendement !<br />
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A
<br /> <br /> Trés bon article, on voyage et on apprend plein de trucs, merci et bonne continuation.<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> salut Julien et merci encore.    Jean<br /> <br /> <br /> <br />
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